celle de Wagner paraît raide ou timorée, comme si
on n’avait pas le droit de la regarder de tous les côtés,
comme si elle avait honte. Wagner s’empare de chaque
degré et de chaque nuance du sentiment avec
la plus grande fermeté et précision ; il prend dans
sa main l’émotion la plus tendre, la plus subtile, la
plus douce, sans peur de la laisser échapper, et il
la retient comma une chose devenue solide et dure,
alors même qu’elle nous semblerait à tous un insaisissable
papillon. Sa musique n’est jamais imprécise,
elle n’a rien [du vague] des dispositions émotionnelles ;
tout ce qui parle par elle, homme ou nature, a
une passion rigoureusement individualisée ; la tempête
et le feu prennent chez lui la puissance impérieuse
d’une volonté personnelle[1].
Cette description de la musique wagnérienne nous ramène à notre perpétuel propos : contradiction et accord. Contradiction entre l’intention de louange dans laquelle une certaine chose est dite ici et l’intention de blâme dans laquelle cette même chose est dite ailleurs ; accord entre les caractéristiques qui servent de considérants soit à l’admiration, soit à la critique. Cette
- ↑ R. W. in B, p. 569.