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Page:Lasserre - Les Idées de Nietzsche sur la musique, 1907.djvu/34

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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


monde de l’apparence belle qui nous affranchit du devenir ; d’autre part, le nom de Dionysos désigne le sentiment actif du devenir, la participation subjective à la volupté effrénée de créer, mêlée de la rage de détruire.

Antagonisme de ces deux expériences et des désirs auxquels elles se ramènent : le premier veut dans l’apparence le caractère d’éternité ; devant une apparence qui a ce caractère, l’homme devient silencieux, sans désirs, uni comme la mer, guéri, d’accord avec lui-même et avec toute existence ; le second pousse au devenir, à la volupté de travailler au devenir, c’est-à-dire à créer et à anéantir[1].


À la dualité des instincts esthétiques fondamentaux correspond une division étrange des arts. D’un côté, les arts apolliniens qui sont les arts plastiques et la littérature « épique » ; de l’autre, l’art dionysiaque, la musique, que son essence oppose à l’ensemble des autres arts.


Les deux divinités grecques de l’art, Apollon et Dionysos, représentent les deux termes de l’extraordinaire contraste que nous avons reconnu exister dans le monde grec entre l’origine et les fins de l’art

  1. T. XIV, p. 364.