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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


plastique, art d’Apollon, et celles de l’art non pia. tique, de la musique, art de Dionysos[1].


Les arts apolliniens ont pour fin la beauté. Mais la beauté, bien loin d’être comme une esthétique vulgaire se l’imagine, la quintessence de la réalité, en est la plus haute négation[2]. La perfection dérobe à la mort les créations de la beauté et leur prête l’indéfectible jeunesse des dieux de l’Olympe, des personnages homériques, des figures du Corrège. Dans la réalité, rien ne dure, tout est devenir. L’inassouvissement éternel de l’Être brise, à mesure qu’il les détermine, les formes des êtres. La musique exprime directement le devenir divin qui roule la vie dans les flots du néant. Les autres arts sont les arts de l’apparence, du phénomène, du rêve. Elle surprend et traduit le « Noumène ».

Elle suit donc une loi radicalement différente des lois des autres arts. Elle n’a pas pour fin la beauté. Elle est étrangère et supérieure à la caté-

  1. Naissance de la Tragédie, p. 19.
  2. T. IX, pp. 201 et 202.