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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


lectuelle que les autres peuples, me.surô la contradiction radicale, le non-sens de l’univers ; mais cette hardiesse leur fut facilitée par l’alacrité d’imagination et d’humeur qui leur permettait de « jouer avec la vie ».


Il fallait la facilité et l’aisance de l’imagination homérique pour assoupir et un moment supprimer la conscience démesurément passionnée, l’intelligence trop aiguisée des Grecs. La parole est-elle chez eux à l’intelligence : combien âpre et cruelle apparaît alors la vie ! Ils ne se font point d’illusion, mais ils entourent exprès la vie d’un jeu de mensonges. Simonide conseillait à ses compatriotes de prendre la vie comme un jeu ; le sérieux leur était trop connu pour une douleur (la misère des hommes est justement le thème sur lequel les dieux aiment entendre chanter), et ils savent que par l’art seul la. misère même pouvait devenir jouissance.


Quand Nietzsche dit que la culture et la jouissance du beau sont pour nous les seuls moyens d’échapper au sentiment mortel d’une réalité désespérante et de trouver le courage de « continuer de vivre », il veut parler pour lui-même et pour ses pareils. Car il reconnaît qu’il y a