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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


mais la Joie, la Tristesse, la Douleur, l’Horreur, l’Ivresse, la Gaîté, la Sérénité, sans aucun accessoire et aussi sans les sujets de ces émotions. Cependant nous les comprenons parfaitement dans cette réduction à leur quintessence. Sous cette forme elles excitent très facilement notre imagination ; ce monde spirituel qui nous parle sans intermédiaire, invisible et pourtant si vivement animé, nous essayons de lui prêter une figure, de le revêtir de chair et d’os, en d’autres termes, de lui donner corps en quelque exemple concret analogue.


Soit la première partie de la symphonie en ut mineur[1]. Avec son thème initial bref, solennel, formidable et le développement à la fois furieux et si serré de ce thème, ce morceau instrumental peindra pour les uns la création du monde, le commandement divin et la course des atomes ; pour d’autres, ce sera le cri de révolte obstinée de Prométhée, un non serviam égalant son énergie croissante à l’insistance des menaces divines ; d’autres encore s’imagineront

  1. Cet exemple n’est pas proposé par Schopenhauer. Mais il donne plus de relief à sa pensée et la rend plus convaincante que ceux que l’on pourrait tirer de son compositeur préféré, Rossini.