mais la Joie, la Tristesse, la Douleur, l’Horreur,
l’Ivresse, la Gaîté, la Sérénité, sans aucun accessoire
et aussi sans les sujets de ces émotions. Cependant
nous les comprenons parfaitement dans cette réduction
à leur quintessence. Sous cette forme elles excitent
très facilement notre imagination ; ce monde
spirituel qui nous parle sans intermédiaire, invisible
et pourtant si vivement animé, nous essayons de lui
prêter une figure, de le revêtir de chair et d’os, en
d’autres termes, de lui donner corps en quelque
exemple concret analogue.
Soit la première partie de la symphonie en ut mineur[1]. Avec son thème initial bref, solennel, formidable et le développement à la fois furieux et si serré de ce thème, ce morceau instrumental peindra pour les uns la création du monde, le commandement divin et la course des atomes ; pour d’autres, ce sera le cri de révolte obstinée de Prométhée, un non serviam égalant son énergie croissante à l’insistance des menaces divines ; d’autres encore s’imagineront
- ↑ Cet exemple n’est pas proposé par Schopenhauer. Mais il donne plus de relief à sa pensée et la rend plus convaincante que ceux que l’on pourrait tirer de son compositeur préféré, Rossini.