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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


l’image et à la parole, nous n’entendons rien du tout du poème de Schiller ? Tout ce noble élan, la sublimité même des vers de Schiller, à côté de la vérité naïvement innocente de la mélodie populaire de la joie, trouble, inquiète, va jusqu’à causer une impression grossière et injurieuse : heureusement qu’au milieu du déploiement toujours plus riche du chant choral et des masses orchestrales, on ne l’entend pas et c’est la seule chose qui nous préserve de cette sensation d’inconvenance. Que penser donc de cette monstrueuse superstition esthétique d’après laquelle cette quatrième partie de la Neuvième eût constitué, de la part de Beethoven lui-même, une solennelle profession de foi sur les bornes de la musique pure et même ouvert en quelque manière les portes à un art nouveau, dans lequel la musique, devenue capable de représenter jusqu’à l’image et au concept, s’expliquerait parfaitement par là même à « l’esprit conscient[1] ? »


Cette « monstrueuse superstition esthétique », ce n’était pas autre chose (Nietzsche s’en avisera bientôt) qu’un dogme wagnérien. Wagner et son entourage se plaisaient à professer qu’avec Beethoven la musique instrumentale

  1. T. IX, p. 220.