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Page:Lasserre - Les Idées de Nietzsche sur la musique, 1907.djvu/98

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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


« création », la « projection » spontanée d’un état d’âme lyrique ou orgiastique qui échappe à la douleur de son ivresse par le rêve. Les tragédies sophocléennes ne seraient que des combinaisons du rêve, dont la beauté apporterait à la déchirante ivresse dionysiaque le baume de la contemplation apollinienne, mais qui naîtraient de cette ivresse même, telles les consolantes hallucinations paradisiaques que le martyr contemple au milieu des supplices. La tragédie grecque commença par n’être que le chœur chantant les infortunes surhumaines de Dionysos, symbole mythique du mal radical du monde. Première objectivation élémentaire du sentiment torturant et ineffable de la vie universelle qui agitait les choreutes inspirés, Dionysos prit bientôt, par le développement croissant du génie apollinien, d’autres noms et d’autres visages, Prométhée, Philoctète, Œdipe, Admète, etc.


Au chœur dithyrambique incombe désormais la tâche de porter les auditeurs à un tel état d’exaltation dionysiaque que lorsque apparaît sur la scène le héros