Page:Latocnaye - Promenade d’un Français dans la Grande Bretagne, 1795.djvu/31

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menant avec un de mes camarades, je ne pus m’empêcher de soupirer bien amèrement, en songeant que deux ans ne s’étaient pas écoullés, depuis que j’avais été en garnison dans cette même ville, contre la quelle j’étais armé a present, tous les environs m’en étaient familiers, la place même ou j’étais ; avait été le théâtre de diversions très agréables. Les connaissances, les amis, avec lesquels je les avais pris, étaient enfermés dans la ville, avec leur famille, et j’étais armé contre eux. — Helas, me dit mon camarade, a qui je communiquai mes reflexions, le commandant de l’artillerie dans la place est mon frere !

Cependant le temps nous durait sous la tente, éxposés a la pluie, manquans souvent de pain, de bois, de fourage pour nos chevaux, on commençait a s’impatienter, et a murmurer, et cette politesse, pour laquelle les officiers Français étaient si renommés, avait déjà commencé a disparaitre. La misere que nous éprouvions nous aigrit les uns contre les autres ; a peine y eut-il quatre ordinaires qui resterent ensemble, chacun se sépara, et faisait sa soupe a part ; on ne se regardait que comme unis en passant, pour ne se plus revoir après peutêtre.