Page:Latocnaye - Promenade d un Francais dans la Grande Bretagne - 2e edition, Fauche, 1801.djvu/39

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sur cet article, le goût commun à toutes les nations, c’est que lorsque quelque passage régulier et exprimant des idées grandes et généreuses vient tout-à-coup à paraître, il est applaudi avec la chaleur de l’enthousiasme. Cette observation m’a induit à penser, que la marche irrégulière de leurs pièces de théâtre, est plutôt une affaire d’habitude que de goût : cela tient beaucoup à l’imitation servile de leur grand Shakespear dont on admire avec enthousiasme jusqu’aux défauts.

J’ai souvent pensé, que tout brillant que cet auteur est d’idées sublimes, l’obligation où il a été de sacrifier au goût de son siècle, jusqu’à mettre des puérilités et des fadaises dans la bouche de ses principaux personnages, a arrêté en Angleterre les progrès de l’art dramatique, par l’admiration aveugle que l’on a pour tout ce qui porte son nom. Il faudrait que la nature formât à présent un génie pareil au sien, qui osât ne pas suivre la marche incorrecte qu’il a tracée ; mais l’habitude est tellement enracinée, que je suis persuadé que ses pièces n’auraient pas de succès, du moins de son vivant, et il y a bien peu d’hommes capables de se résoudre à mourir de faim et à être négligés pendant leur vie, dans

    scabreuses, des expressions d’aussi peu de bon ton que God d—n, accommodées de toutes les manières, et quelques autres, qui paraissent encore plus extraordinaires à un étranger.