Page:Latocnaye les causes de la révolution.djvu/131

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affronts les plus cuisants et la déstruction de sa propriété. En Franche-Comté *, on devait assassiner tous les gentils-hommes. Les factieux prétendaient, qu’il fallait réparer la honte de la St. Barthelemy, par une beaucoup plus juste, en les massacrant tous ce jour là. On arrêta à Mets, des gens qui portaient ces déclarations philosophiques entre les sémelles de leur souliers.


Il arriva en 1790, dans cette province, un trait qui caractérise parfaitement, la folie dans laquelle toutes les parties de la France se trouvaient plongées : aucune histoire n’en ayant fait mention, je crois devoir le rapporter.

Un paysan dans un village éloigné, s’avisa d’en persuader les habitant, de le declarer leur roy ; il fut éffectivement élu, et mis en possession de sa royauté ; il avait son chancellier, ses grands officiers, ses gardes, et même rendait une justice prompte à ses sujets, dans la maniere de Sancho Pança, qui était à leur portée, et qui les accommodait fort. Il y avait déja quelque semaines, que cette monarchie éxistait, sans que les villes voisines le sussent, ou plutôt sans qu’elles y prissent garde ; lorsqu’enfin le nouveau roy, s’avisa de confisquer les bois du seigneur, au profit de ses sujets, et mettant sur le champ la sentence à éxécution, le monarque et ses officiers, la hache à la main, commencerent à couper et à tailler.

Deux gardes chasse parurent, et comme ils insistaient pour qu’on discontinue cette opération de gouvernement ; le souverain assembla son conseil, ils furent atteints, et convaincus d’être rebelles au ordres de sa majésté, en réparation de quoi, ils furent condamnés à être pendus, et quoi qu’ils réussissent à échapper à cette derniere partie de la sentence, ils eurent cependant le cou vigoureusement serré.

Cette maniere un peu vive de procéder, donna de l’allarme dans le voisinage : le gouverneur de Besançon, jugea à propos de mettre fin à ce nouvel empyre ; en consequence, après que les portes de la ville furent fermées, afin d’empêcher, les bons amis du monarque de l’avertir : on fit sortir à la sourdine, la compagnie de Chasseurs du régiment dans lequel j'étais, avec un détachement de dragons, et au point du jour, ils tomberent tout à coup, sur le royaume ; mais les habitans avaient été avertis, malgré la précaution du gouverneur, on n’y trouva que quelques femmes, entre-autres la reine, cachée sous un tas de fagots, qui se voyant prise, cria à une de ses dames d’honneur qui était présente, " Oh ma pauvre Charlotte, on va me pendre."