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Page:Latocnaye les causes de la révolution.djvu/150

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Malheureusement on regardait ces querelles comme particulieres, et l’on pensait, que toute insurréction partielle était inutile : les tête étaient montées, on commençait déjà à dire, que les princes étaient prets à entrer en France et qu’on arriverait trop tard. On reprochait la lenteur à ceux qui ne se préparaient pas, à se rendre hors du royaume ; les parens de ceux qui en étaient sortis, prenaient une petite prépondérance, qui est souvent d’un beaucoup plus grand poid dans la société, que des choses de réélle valeur, et servit peutêtre à en faire décider beaucoup. Les patriotes eux mêmes, peutêtre avec le déssein de faire sortir la noblesse de France, traitaient avec mépris les gentils-hommes dont les sentimens n’étaient pas tres déclarés ; les dames se permettaient dans la société, des plaisanteries sévères, sur ceux qui ne paraissaient pas montrer beaucoup d’empressement à quitter leur famille : dans quelques endroits même, elles refusaient de les admettre dans leur société, et dans plusieures provinces, firent l’affront à quelques un d’eux, de leur envoyer une quenouille *. Affront sanglant alors, mais qu’on s’est permis depuis, si souvent et si à tort, que c'est plutôt la personne qui le fait, qui se couvre de mépris que celle qui le reçoit.


A Londres lors de la funeste expédition de Quiberon, il y eut quelque prêtres et quelques femmes qui se permirent d’envoyer une quenouille a des gens respectables qu’ils connaissaient a peine, et qui refusaient de se croiser. Un d’eux, personnage un peu colérique, en reçut une, de certain sot d’Abbé, connu pour ses fréquentes métamorphoses de parti, et sa violence dans tous ceux qu’il a adopté : il décomposa le présent qu’il venait de recevoir, fit filer la filasse, en fit faire un licou qu’il envoyat à l’Abbé, en le remerciant de son attention et le priant d’accépter en retour, la cravatte qu’il en avait fait ; " quant au manche," ajoutait il, " je le garde, et si j’ai le bonheur de vous rencontrer, je vous montrerai avec plaisir, l’usage qu’on en peut faire."