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l’heure du repas arrive, on lui donne sa part. Il a pour dormir un coin de la natte qui recouvre le plancher, et un bout du morceau de bois qui, appuyé contre la muraille, sert d’oreiller commun. S’il est fatigué ou que le temps soit trop mauvais, il passera ainsi quelquefois un ou deux jours sans que l’on songe à lui reprocher son indiscrétion.

En ce bas monde, les meilleures choses ont toujours un mauvais côté, et les habitudes toutes patriarcales que nous venons de décrire, produisent bien quelques inconvénients. Le plus grave est l’encouragement qu’elles donnent à la fainéantise d’une foule de mauvais sujets, qui spéculent sur l’hospitalité publique et vivent en flânant de côté et d’autre dans une complète oisiveté. Quelques-uns des plus effrontés viennent s’établir pendant des semaines entières, chez les gens riches ou aisés, et se font même donner des vêtements que l’on n’ose pas refuser, de peur d’être ensuite injurié et calomnié par eux.

Les visites, soirées, invitations, et autres relations ordinaires de société sont très multipliées, et la plus grande liberté y règne.

Les femmes ne se montrent jamais dans ces réunions ; elles passent leur vie dans les appartements intérieurs, et ne se visitent qu’entre elles. Mais les hommes à leur aise, les nobles surtout, naturellement causeurs et paresseux, vont continuellement de salon en salon tuer le temps, raconter ou inventer des nouvelles. Ces salons, ou appartements extérieurs, sont placés sur le devant de la maison, et toujours ouverts à tout venant. Le maître du logis y fait sa résidence habituelle, et met son orgueil à recevoir et à bien traiter le plus d’amis possible. Naturellement les conversations ne roulent guère sur la politique, un tel sujet serait dangereux ; mais on se raconte les dernières histoires de la cour et de la ville, on colporte les médisances du jour, on répète les bons mots qui ont été dits par tel ou tel grand personnage, on récite des fables ou des apologues, on parle science ou littérature. L’été surtout, ces réunions deviennent de petites académies, où l’on s’assemble trois ou quatre fois la semaine pour discuter des questions de critique littéraire, approfondir le