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vindicatif. C’est le fruit de la demi-barbarie dans laquelle ils sont encore plongés.

Parmi les païens, l’éducation morale est nulle ; chez les chrétiens eux-mêmes, elle ne pourra porter ses fruits qu’à la longue. Les enfants ne sont presque jamais corrigés, on se contente de rire de leurs colères continuelles. Ils grandissent ainsi, et, plus tard, hommes et femmes se livrent sans cesse à des accès d’une fureur aussi violente qu’aveugle.

Dans ce pays, pour exprimer une résolution arrêtée, on se pique le doigt, et on écrit son serment avec son propre sang. Dans un accès de fureur, les gens se pendent ou se noient avec une facilité inexplicable. Un petit déplaisir, un mot de mépris, un rien, les entraîne au suicide. Ils sont aussi vindicatifs qu’irascibles. Sur cinquante conspirations, quarante-neuf sont trahies d’avance par quelque conjuré, et presque toujours pour satisfaire une rancune particulière, pour se venger d’un mot un peu vif. Peu leur importe d’être punis eux-mêmes, s’ils peuvent attirer un châtiment sur la tête de leurs ennemis.

On ne peut les accuser ni de mollesse ni de lâcheté. À l’occasion, ils supportent les verges, le bâton, et les autres supplices avec un grand sang-froid et sans laisser paraître la moindre émotion. Ils sont patients dans leurs maladies. Ils ont beaucoup de goût pour les exercices du corps, le tir de l’arc, la chasse, et ne reculent point devant la fatigue ; et cependant, chose extraordinaire, avec tout cela ils font en général de très pauvres soldats, qui, au premier danger sérieux, ne songent qu’à jeter leurs armes et à s’enfuir dans toutes les directions. Peut-être est-ce simplement le manque d’habitude et le défaut d’organisation. Les missionnaires assurent qu’avec des officiers capables, les Coréens pourraient devenir d’excellents soldats.

La chasse est considérée comme une œuvre servile ; aussi les nobles, si l’on excepte quelques familles pauvres des provinces, ne s’y livrent presque jamais. Elle est tout à fait libre : point de port d’armes, point de parcs réservés, point d’époques interdites. Le seul animal qu’il soit défendu de tuer est le faucon, dont la vie est protégée par des lois sévères. Malheur à celui qui