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blesserait un de ces oiseaux ! Il serait traîné à la capitale devant la cour des crimes. La chasse n’a lieu que dans les montagnes ; car les vallées et les plaines, presque toutes en rizières, n’offrent aucun gibier qui puisse tenter les chasseurs. Leur fusil est le fusil japonais à pierre, très lourd et fort peu élégant. Avec cette arme insuffisante, un Coréen même seul, tirera le tigre, quoique et animal, quand il n’est pas tué sur le coup, s’élance toujours droit sur l’ennemi, qui devient alors facilement sa proie. Quand le tigre fait de grands ravages dans un district, le mandarin réunit les chasseurs et organise une battue dans les montagnes voisines, mais presque toujours sans résultat ; car en pareil cas la peau de l’animal est pour le gouvernement, et le mandarin garde pour lui la prime due aux chasseurs. Ceux-ci préfèrent risquer leur vie en chassant seuls, parce qu’ils ont alors le bénéfice de la peau, qu’ils vendent secrètement. Ils mangent la chair, qu’ils prétendent être très succulente. Les os, pilés et bouillis, servent à faire diverses médecines. On les vend surtout aux Japonais, qui les achètent à très haut prix pour en fabriquer des remèdes secrets.

Les tigres sont excessivement nombreux en Corée, et le chiffre annuel des accidents est très considérable. Quand le tigre pénètre dans un village, dont les maisons sont bien fermées, il ne cesse de tourner pendant des nuits entières autour de quelque masure, et si la faim le presse, il finit par s’y introduire en bondissant sur le toit de chaume, au travers duquel il fait un trou. Le plus souvent, il n’a pas besoin de recourir à cet expédient ; car les villageois sont d’une insouciance telle, que, malgré sa présence dans les environs, ils dorment habituellement pendant l’été la porte de leurs maisons grande ouverte, et quelquefois même sous des hangars ou en plein champ, sans songer à allumer du feu.

Peut-être, avec des battues bien suivies, dans la saison propice, réussirait-on à détruire beaucoup de ces animaux et à refouler le reste dans les grandes chaînes de montagnes qui sont presque inhabitées ; mais chacun ne songe qu’à se débarrasser du péril présent, sans s’inquiéter de l’avenir ni du bien général.