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même appétit que s’ils avaient jeûné depuis deux jours. La portion ordinaire d’un ouvrier est d’environ un litre de riz, lequel, après la cuisson, donne une forte écuelle. Mais cela ne suffit pas pour les rassasier, et beaucoup d’entre eux en prennent facilement trois ou quatre portions quand ils le peuvent. Certains individus, dit-on, en absorbent jusqu’à neuf ou dix portions impunément. Quand on tue un bœuf et que la viande est servie à discrétion, une écuelle bien remplie n’effraye aucun convive. Dans les maisons décentes, le bœuf ou le chien sont découpés par tranches énormes, et comme chacun a sa petite table à part, on peut se montrer généreux envers tel ou tel convive, tout en ne donnant aux autres que le strict nécessaire. Si l’on offre des fruits, des pêches par exemple, ou de petits melons, les plus modérés en prennent jusqu’à vingt ou vingt-cinq, qu’ils font très rapidement disparaître, sans les peler.

Inutile d’ajouter que les habitants de ce pays sont loin d’absorber chaque jour les quantités de nourriture dont nous venons de parler. Tous sont prêts à le faire, et le font, en effet, quand ils en trouvent l’occasion ; mais ils sont trop pauvres pour la trouver souvent.

Un excès en appelle un autre, et l’abus de la nourriture amène naturellement l’abus de la boisson. Aussi l’ivrognerie est-elle en grand honneur dans ce pays ; et si un homme boit du vin de riz de manière à perdre la raison, personne ne lui en fait un crime. Un mandarin, un grand dignitaire, un ministre même peut, sans que cela tire à conséquence, rouler sur le plancher à la fin de son repas.

Quant à la préparation de la nourriture, les Coréens ne sont nullement difficiles ; tout leur est bon. Le poisson cru, la viande crue, surtout les intestins, passent pour des mets friands, et parmi le peuple on n’en voit guère sur les tables ; car un pareil morceau, à peine aperçu, est aussitôt dévoré. Les viandes crues se mangent habituellement avec du piment, du poivre ou de la moutarde ; mais souvent on se passe de tout assaisonnement. Sur le bord des ruisseaux ou rivières, on rencontre une quantité de pêcheurs à la ligne, dont le plus grand nombre sont des nobles