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leurs amis, satisfaire leurs propres caprices ; et quand l’indigence revient, ils la subissent sans trop se plaindre, et attendent que la roue de la fortune, en tournant, leur ramène de beaux jours.

Souvent l’argent se gagne assez vite, mais il disparaît plus vite encore. On a fait gagner un procès à quelqu’un, on a trouvé une racine de gen-seng, un petit morceau d’or, une veine de cristal, n’importe quoi, on est à flot pour quelques jours, et vogue la galère ! l’avenir s’occupera de l’avenir. De là vient que tant de gens sont toujours sur les routes, cherchant une chance heureuse, espérant rencontrer là-bas ce qui leur manque ici, trouver quelque trésor, découvrir quelque source de richesse non encore exploitée, inventer quelque nouveau moyen de battre monnaie. Dans certaines provinces surtout, la moitié des habitants n’ont pour ainsi dire pas de demeure fixe ; ils émigrent pour échapper à la misère, restent un an ou deux et émigrent de nouveau pour recommencer plus tard, cherchant toujours le mieux, et presque toujours rencontrant le pire.

Un autre grand défaut des Coréens, c’est la voracité. Sous ce rapport, il n’y a pas la moindre différence entre les riches et les pauvres, les nobles et les gens du peuple. Beaucoup manger est un honneur, et le grand mérite d’un repas consiste non dans la qualité, mais dans la quantité des mets fournis aux convives ; aussi cause-t-on très peu en mangeant, car chaque phrase ferait perdre une ou deux bouchées. Dès l’enfance, on s’applique à donner à l’estomac toute l’élasticité possible. Souvent les mères prenant leurs enfants sur leurs genoux, les bourrent de riz ou d’autre nourriture, frappent de temps en temps sur le ventre pour voir s’il est suffisamment tendu, et ne s’arrêtent que quand il devient physiquement impossible de les gonfler davantage. Un Coréen est toujours prêt à manger ; il tombe sur tout ce qu’il rencontre, et ne dit jamais : C’est assez. Les gens d’une condition aisée ont leurs repas réglés ; mais si dans l’intervalle se présente l’occasion d’avaler du vin, des fruits, des pâtisseries, etc., en quelque quantité que ce soit, ils en profitent largement, et, l’heure ordinaire du repas venue, se mettent à table avec le