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nobles et gens du peuple, tous ont à cœur de fêter dignement ce jour où l’âge mûr finit, où commence la vieillesse. Celui qui atteint cet âge est censé avoir rempli sa tâche, achevé sa carrière ; il a bu à longs traits la coupe de l’existence, il ne lui reste qu’à se souvenir et à se reposer.

Longtemps d’avance on fait les préparatifs de la fête. Quelle plus belle occasion de montrer de la piété filiale, de prouver publiquement combien on apprécie l’inestimable bonheur d’avoir conservé ses parents jusqu’à un âge aussi respectable ! Les riches prodiguent leurs ressources pour faire venir, même des provinces éloignées, tout ce qui peut orner un festin ; les pauvres s’ingénient à ramasser quelques épargnes. De leur côté, les lettrés composent des pièces de vers pour chanter cet heureux jour. Le bruit s’en répand dans les environs, et c’est un événement non seulement pour le village, mais pour tout le canton. À l’intérieur de la maison, on est continuellement affairé. Tous les habits devront être blancs comme la neige, les jupes bleues comme l’azur ; un nouvel habit de soie sera l’ornement du sexagénaire. Il faut ramasser du vin et de la viande en abondance pour rassasier et enivrer parents, amis, voisins, connaissances, étrangers, etc. Les femmes de la maison sont surchargées de besogne ; mais alors, comme du reste dans les autres grandes circonstances, leurs voisines, leurs amies s’empressent de venir à leur secours. S’il est nécessaire, les voisins contribuent généreusement aux frais par des présents en argent ou en nature. Ils sont tous invités de droit, et ce qu’ils font aujourd’hui pour un autre, on le fera demain pour eux.

L’heureux jour arrivé, on conduit le héros de la fête en grande cérémonie, à la place d’honneur. Il s’assied et reçoit d’abord les saluts et félicitations de tous les membres de la famille, puis on place devant lui une table surchargée des meilleurs mets qu’il a été possible de trouver. Viennent ensuite les amis, les voisins, les connaissances, les parasites, etc. tous avec les plus beaux compliments dans la bouche, et un appétit féroce dans l’estomac. Personne n’est repoussé, personne ne s’en retourne à jeun ; les passants, les voyageurs profitent de