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la bonne aubaine, et si on oublie de les inviter, ils s’invitent eux-mêmes sans plus de formalités. Bien plus, quand les ressources le permettent, on envoie chez tous les voisins des tables abondamment servies. La musique la plus étourdissante vient réjouir les convives ; on appelle des chœurs de musiciens et de danseuses, des comédiens, tout ce qui peut embellir la fête et rehausser l’éclat de la solennité. C’est pour des enfants bien élevés la plus rigoureuse des obligations, et, devraient-ils se saigner à blanc, se condamner à mourir de faim le reste de l’année, dépenser leur dernière sapèque, il leur faut faire les choses avec une profusion extravagante, sous peine d’être à jamais déshonorés.

Si les particuliers doivent ainsi déployer toute la prodigalité possible, on peut imaginer avec quelle pompe, quel appareil, quelles folles dépenses, les grands personnages célèbrent le Hoan-kap. Lorsque la reine mère, la reine, et surtout le roi atteignent la soixantaine, le royaume entier doit prendre part à la fête. Toutes les prisons s’ouvrent par la proclamation d’une amnistie générale ; il y a une session extraordinaire d’examens pour conférer les grades littéraires. Tous les dignitaires de la capitale vont en personne présenter au roi leurs hommages et leurs vœux. Dans chaque district, le mandarin, précédé de la musique, escorté de ses prétoriens et satellites, suivi de toute la population, se rend au chef-lieu, à l’endroit où est exposée en grand apparat la tablette qui représente le roi, et se prosterne humblement pour lui offrir ses congratulations personnelles et celles de ses subordonnés. Ce jour est pour tous une fête chômée de premier ordre. Tous les soldats de la capitale reçoivent quelque marque de la munificence royale. Des tables richement servies, des cadeaux de prix sont envoyés aux ministres, aux fonctionnaires du palais, aux grandes familles nobles, à tous ceux qui ont quelque crédit à la cour.

Malheureusement pour le peuple, ces grandes fêtes se donnent à ses dépens. Le plus souvent, c’est au moyen de rapines, de concussions, d’extorsions de toute espèce, que les parents du roi, les ministres et autres grands personnages se procurent les