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« Nous sommes en novembre, et le vent du nord-ouest, tout en procurant un automne sec et serein, vous fera frissonner de froid sur votre natte. Vous voulez faire fermer la porte ; mais les nombreux trous pratiqués aux vieux papiers des fenêtres rendront la précaution à peu près inutile. D’ailleurs, l’adresse du menuisier coréen aura toujours su vous ménager assez de fentes pour qu’il n’y ait aucun danger d’asphyxie. Et en cela tout le tort n’est pas de son côté ; car enfin une porte de douze ou vingt sous, achevée le plus souvent avec le seul secours de la hache et du ciseau, peut-elle être une œuvre parfaite ? Le seul moyen est donc d’avoir recours au feu ; mais pas de cheminée, et comment allumer du feu sur la natte ? On y a pourvu. À l’extérieur de la maison, sur le côté, se trouve le foyer de la cuisine, auquel viennent aboutir divers conduits qui passent sous le sol de la chambre. Ces conduits ou tuyaux sont couverts de grosses pierres dont on a rempli les interstices et comblé les inégalités avec de la terre pétrie ; c’est là-dessus qu’est étendue votre natte. La fumée et la chaleur, passant par ces tuyaux pour sortir de l’autre côté de la maison, font arriver jusqu’à vous une chaleur bienfaisante qui, grâce à l’épaisseur des pierres, se maintiendra assez longtemps. Vous voyez que les Coréens ont connu, bien avant nous, l’usage des calorifères. Il est vrai que la fumée passe en bouffées abondantes à travers les fentes du sol ; mais il ne faut pas être trop délicat, et d’ailleurs, en ce monde, quelle est la bonne chose qui n’ait pas ses inconvénients ?

« Vous vous empressez de jeter un regard sur l’ameublement. Et d’abord, en fait de lits, ne croyez pas découvrir quelqu’un de ces solennels amas de matelas avec baldaquin et draperies. Presque toute la Corée couche sur des nattes. Les pauvres, c’est-à-dire la grande majorité, s’étendent dessus sans autre couverture que les haillons dont ils sont revêtus jour et nuit. Ceux qui ont quelques sapèques se donnent le luxe d’avoir une couverture, et, dans la classe aisée, on y joint souvent un petit matelas de un à deux décimètres d’épaisseur. Tous, riches et pauvres, ont dans un coin de la chambre un petit tronçon de bois quadrangulaire, épais de quelques pouces, qui leur sert de traversin.