Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais beaucoup plus étroit et légèrement conique, qui s’ajuste sur le sommet du crâne, et dans lequel le chignon de cheveux peut seul pénétrer. Ce tuyau a des ailes, comme les chapeaux d’Europe, mais des ailes si démesurées, que souvent le tout forme un cercle de plus de soixante centimètres de diamètre. La charpente de ce chapeau est constituée de morceaux de bambou découpés dans leur longueur en fils très déliés : sur cette charpente on tend une toile de crin tressée à jour. Comme ce chapeau ne pourrait seul rester fixé sur le chignon, des cordons que les fonctionnaires publics ornent de globules d’ambre jaune ou d’autres globules précieux, suivant leur fortune et leur dignité, viennent le rattacher sous le menton. Ce chapeau ne préserve ni de la pluie, ni du froid, ni même du soleil ; mais, en revanche il est très incommode, surtout quand le vent le fait branler sur la tête.

« Tous les habits sont communément en toile grossière de coton, et confectionnés Dieu sait comment. Il y a quatre ou cinq cents ans, la Corée n’avait pas la culture du cotonnier (gossypium herbaceum), dont on fait ici maintenant un si grand usage. Le gouvernement chinois, pour conserver le monopole des toiles, défendait rigoureusement l’exportation des graines de cette plante ; néanmoins un ambassadeur coréen, nommé Moun-iouk-i, réussit, pendant son voyage de Péking, à se procurer quelques-unes de ces graines, les cacha dans le tuyau de sa pipe disent les uns, dans une plume suivant d’autres, échappa à la vigilance des gardes-frontières, et dota son pays de cet arbuste précieux. Si la toile coréenne est si grossière, cela vient de ce que par ici on compte peu d’artisans proprement dits, ou plutôt de ce que tout le monde est artisan. Dans chaque maison les femmes filent, tissent la toile et confectionnent les habits ; d’où il résulte que, personne n’exerçant habituellement ce métier, personne n’y devient habile. Il en est de même à peu près pour tous les arts ; aussi les Coréens sont-ils en tout très arriérés ; on n’est pas plus avancé aujourd’hui qu’on ne l’était autrefois, pas plus qu’on ne le fut au lendemain du déluge, quand tous les arts et métiers recommencèrent.