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religion et apparaissaient aux yeux de tous comme les deux colonnes de l’Église de Corée. Et cependant tous deux ils faiblirent les premiers, juste punition d’un secret orgueil, dit-on, ou d’une misérable ambition. Égaré par la crainte de voir son fils enveloppé dans la persécution qui menaçait tous les chrétiens, le père de Piek-i vient le supplier de rompre avec eux, le menaçant en cas de refus de se donner la mort sous ses yeux. Piek-i se troubla devant ce spectacle si affligeant pour son amour filial ; et lui, autrefois si courageux et si ardent dans ses opinions, il hésita et balbutia quelques paroles d’apostasie. Sans doute son cœur n’était point d’accord avec ses lèvres, car aussitôt il tomba dans une tristesse mortelle. Pour accroître ses remords, il put voir ceux qu’il avait convertis s’éloigner de lui, et quelques années après, abandonné de tous, il mourut misérablement de la peste.

Daigne la divine miséricorde, qui avait opéré de si grandes choses par cet infortuné, lui avoir touché le cœur avant sa mort, comme plusieurs l’attestèrent et comme son désespoir peut le laisser aussi présumer !

Pierre Seng-houn-i eut un sort encore plus lamentable. Il avait un frère qui l’avait toujours persécuté dans sa foi, et qui alors redoubla ses sollicitations pour la lui faire abandonner. D’un autre côté, l’ambition et le désir de hautes dignités tentèrent ce caractère déjà si inconstant de sa nature. Lorsqu’il vit que les faveurs de la cour s’éloignaient des chrétiens, il renonça publiquement au christianisme. Puis il retourna auprès de Francois-Xavier Kouen pour le quitter de nouveau, et, afin de consommer son apostasie, il brûla ses livres et ses objets de religion. Il alla plus loin ; car, pour se laver aux yeux des païens du crime d’avoir été chrétien, il publia partout sa lâche désertion.

Et cependant Dieu, dans sa miséricorde infinie, lui tendit une dernière fois une main secourable. Quoi qu’il eût fait pour se disculper, certains ennemis implacables ne lui avaient point pardonné sa foi et son zèle passés pour la religion chrétienne. Quinze années après ils saisirent l’occasion d’une persécution générale pour se venger de lui, et obtinrent qu’il fût arrêté sous