Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/173

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prétexte de religion. Confondu malicieusement par ses ennemis avec de fervents chrétiens, il fut jugé avec eux et condamné pour le même crime.

Magnifique et dernière occasion, que Notre-Seigneur offrait encore à cette âme faible, de réparer par un mot ses apostasies réitérées, et de regagner ainsi d’un seul coup tous ses mérites perdus ! Chrétien ou non, il lui fallait mourir inévitablement. Un regret sincère, un simple acte d’amour de Dieu, à ce moment suprême, tournait en triomphe l’horrible supplice auquel il lui était impossible d’échapper. Hélas ! lui, le premier chrétien de Corée, lui qui avait apporté la foi à ses frères, il marche à la mort avec les martyrs, sans être martyr ; condamné et exécuté comme chrétien, il mourut en renégat.

Mort épouvantable, qui fit trembler les païens eux-mêmes ; fin désastreuse qui doit nous rappeler à tous que notre foi, si elle ne s’appuie sur Dieu, est renfermée dans des vases bien fragiles, et que même ceux que Dieu choisit pour annoncer sa parole doivent toujours partager humble frayeur du grand Apôtre : « Ne forte, postquam aliis predicaverim, ipse reprobus efficiar ! Que je ne devienne pas moi-même un réprouvé, après avoir prêché aux autres ! »

Ainsi, pour implanter la foi en Corée, en se servant de voies si merveilleuses, Dieu nous montre admirablement que tous les moyens sont bons à sa toute-puissance pour exécuter les desseins de sa miséricorde, tandis que personne ne doit se regarder comme un instrument nécessaire à ses œuvres divines. Il se sert de païens pour prêcher l’Évangile dans ce pays, revêt leurs discours de l’éclat de la science et de la sagesse humaines, et leur prête, pour un temps, l’appui des nobles et des puissants. Au lieu de rapporter à l’Auteur de tout don parfait l’honneur de leurs succès, à peine ces apôtres d’un jour ont-ils jeté un regard de vaine complaisance sur ce qu’ils croient leur œuvre, que Dieu se retire d’eux. Ils tombent avec ignominie, et de plus humbles qu’eux prennent leur place. Libre désormais de l’appui de ces bras de chair qui se croyaient ses soutiens nécessaires, l’œuvre de Dieu multiplie ses progrès, et, forte dans son apparente faiblesse, elle