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y a certainement des maîtres avec lesquels on discute et que l’on interroge : qui sont-ils ?

— Dans notre religion, répondit Paul, il n’y a ni maîtres, ni disciples, comme vous l’entendez ici. À plus forte raison dans ce royaume, où personne n’a pu faire autre chose si ce n’est lire et étudier quelques livres. Quel est celui qui oserait se vanter d’avoir approfondi la doctrine et voudrait se donner comme maître ?

— Quel être étonnant es-tu donc alors pour savoir tant de choses sans avoir appris ?

— Comme je connais quelques caractères, j’ai lu quelques-uns de nos livres, voilà tout.

— On prétend aussi que, dans votre religion, vous vous réjouissez de la mort et des souffrances et que vous aimez même la mort violente du glaive : est-ce croyable ?

— Désirer de vivre et redouter la mort, sont des sentiments naturels et communs à tous les hommes. Comment pourrions-nous être comme vous le dites ? »

Quelques jours après, Paul écrivit, dans sa prison, une longue défense de sa conduite et de celle de son cousin. Il faisait en même temps, dans cette lettre, l’apologie de la religion et réduisait à néant les calomnies dont les païens l’accablaient. Le gouverneur appela de nouveau les deux prisonniers à sa barre et les somma vivement de déclarer si, oui ou non, ils avaient brûlé ou enterré les tablettes des ancêtres. Jacques déclara qu’il les avait enterrées, Paul répondit au gouverneur :

« Je les ai brûlées et enterrées.

— Si tu les avais honorées comme tes parents, reprit le gouverneur, passe encore de les enterrer ; mais les brûler ! Cela peut-il jamais se faire ?

— Si j’avais cru, répondit Paul, que c’étaient mes parents, comment aurais-je pu me résoudre à les brûler ? mais, sachant bien qu’il n’y a rien de mes parents, je les ai brûlées. Au reste, qu’on les enterre ou qu’on les brûle, n’est-ce point la même chose, puisque, enterrées ou brûlées, elles retournent aussi bien en poussière.