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— Si tu étais en Europe, tes paroles pourraient être justes ; mais, dans notre royaume, tu dois être puni selon la loi.

— Dans notre pays, après cinq générations, tous, même les nobles, enterrent leurs tablettes : les punissez-vous pour cela ?

— D’après la décision des saints, c’est à ce terme de cinq générations que finissent pour l’homme les devoirs des parents. »

À ces mots, le gouverneur fit asseoir les deux confesseurs sur la planche à supplice et commanda aux satellites de battre Paul.

Il reçut d’abord dix coups.

« Comment, lui dit alors le gouverneur, toi qui es noble, ne souffres-tu pas ?

— Et pourquoi ne souffrirai-je pas ? répondit Paul ; ne suis-je point de chair et d’os comme vous ? »

On continua à le battre jusqu’au trentième coup, nombre fixé par la loi. Le gouverneur expédia alors son rapport au roi, afin de savoir la peine qu’il fallait infliger à ces endurcis.

Tsieng-tsong était alors sur le trône de Corée depuis quinze ans. Il aimait beaucoup ses sujets, et son caractère assez doux ne le portait pas à la sévérité. Aussi le rapport du gouverneur de Tsien-Tsiou le laissa-t-il assez indifférent. Mais ses ministres lui forcèrent la main, en lui présentant des pétitions et des adresses où l’on suppliait le roi de sévir contre ces dangereux novateurs. Bien que le ministre Tsoï eût des amis parmi les chrétiens et que par lui-même il ne leur fût point hostile, il craignit toutefois de perdre sa popularité en méprisant toutes ces manifestations répétées. Il poussa donc le roi à faire un exemple terrifiant en condamnant les deux cousins au dernier supplice. Le roi résista longtemps à ces conseils de la haine ; puis, fatigué, il finit par signer la sentence de mort de Paul et de Jacques. À peine était-elle signée qu’un courrier se hâta de la porter à Tsien-Tsiou.

Les deux confesseurs furent aussitôt conduits au supplice pour ne point donner au prince le temps de revenir sur cette sentence qu’on avait extorquée à sa faiblesse. Une foule immense les accompagnait. Le cortège avançait lentement : Jacques Kouen, épuisé par les souffrances, avait peine à se traîner. De temps en temps il prononçait les saints noms de Jésus et de Marie, montrant