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Le roi, il faut bien encore le remarquer, en cette occasion, manifesta plus que de la répugnance pour les mesures violentes auxquelles on l’excitait. Il ordonna de relâcher les chrétiens que l’on avait jetés en prison, et fit cesser même les poursuites contre le P. Tsiou, qui n’aurait certainement pas pu échapper indéfiniment aux poursuites de ses ennemis. L’asile cependant où il se tenait caché était sûr, et de là il pouvait longtemps encore braver la police et ses recherches. Une généreuse chrétienne, nommée Colombe Kang, lui avait donné l’hospitalité à l’insu même des personnes de sa maison. Colombe était de famille noble et habitait une maison de la capitale avec sa belle-mère et son beau-fils. Son mari, homme débauché, l’avait abandonnée, en sorte qu’elle jouissait de toute sa liberté.

Grâce à la prudence de Colombe et avec quelques précautions, le P. Tsiou pouvait se croire en sûreté dans cet abri, que, du reste, les usages du pays concouraient à rendre inviolable. La maison des nobles en Corée est, en effet, fermée aux agents de la police, et ceux-ci ne peuvent y pénétrer que dans des cas exceptionnels et munis d’ordres supérieurs. Bien que réduit à la pauvreté, ne possédant aucune charge et n’exerçant aucune influence, le plus petit noble sait toujours faire respecter sa qualité, et dans une circonstance de violation de sa maison, il trouverait dans ses esclaves ou ses voisins des auxiliaires toujours prêts à venger son insulte et faire payer cher aux satellites leur zèle imprudent. La loi même le soutiendrait s’il réclamait devant les tribunaux, car il y a sentence de mort pour quiconque oserait, sans permission, franchir le seuil d’une maison noble et violer ainsi les droits de ceux qui l’habitent.

Pour ce qui regarde les appartements des femmes, l’entrée est encore plus sévèrement interdite que celle de la maison. Les parents, même les plus proches, n’y sont point admis, et les petits garçons de la famille, lorsqu’ils atteignent l’âge de douze ans, en sont repoussés rigoureusement. L’appartement ou la maison d’une femme noble surtout est donc un asile doublement inviolable, et quiconque s’y réfugierait, à part le cas de rébellion, ne saurait en être violemment arraché.