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spirituel, elle déchira un pan de sa robe de soie et écrivit dessus tout ce qu’elle savait de la vie et des travaux du serviteur de Dieu.

Enfin se leva pour elle et pour ses compagnes le jour tant désiré du martyre.

Fidèles à leurs prières et exercices de piété, les pieuses femmes s’encourageaient mutuellement à la persévérance. Afin de se rendre dignes de leur céleste Époux, elles lui firent le sacrifice de leur vie avec une si grande générosité, que plus le moment suprême approchait, plus elles se sentaient comme enivrées d’un bonheur surnaturel qui étonnait leurs farouches gardiens.

Le 3 juillet 1801, Colombe et quatre de ses compagnes quittèrent la prison et montèrent dans la charrette des condamnés à mort. Durant tout le trajet, elles récitèrent leurs prières, s’exhortèrent réciproquement, et se mirent même à chanter les louanges de Dieu. La foule se pressait autour de la charrette ; mais les curieux étaient tout surpris de ne pas voir les malfaiteurs insignes tels que les édits dépeignaient les chrétiens. Tous étaient émus en voyant la joie céleste répandue sur le visage de ces pauvres femmes allant à la mort.

Les soldats voulaient écarter ceux qui se pressaient autour des martyres.

« Laissez-les donc approcher, leur dit Bibiane, laissez-les regarder à leur aise : tous les jours on va bien voir tuer des animaux ; pourquoi ne regarderait-on pas mourir des femmes ? »

Arrivée au lieu de l’exécution, Colombe, qui n’avait point perdu son sang-froid, se tourna vers le mandarin, et, par un sentiment délicat de pudeur chrétienne, elle lui dit :

« Les lois prescrivent de dépouiller de leurs vêtements les condamnés au dernier supplice : il serait cependant inconvenant de traiter ainsi des femmes. Allez donc avertir le mandarin et dites-lui que notre désir est de mourir habillées. »

L’officier, subissant lui aussi l’ascendant de cette femme modeste, accéda à son pieux désir.