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rencontrer de grandes difficultés. En Corée, toutes les jeunes filles doivent se marier, et ce serait chose inouïe, surtout dans les rangs élevés de la société, de vouloir braver l’usage général et l’opinion publique sur un pareil sujet. Heureusement pour elle, le Père Tsiou, qui avait approuvé sa promesse, connaissait de son côté un jeune homme désireux, lui aussi, de vivre dans la continence pour être tout entier au bon Dieu.

Ce jeune homme, appelé Jean Niou, fils d’Auguste Niou, était noble et très riche. Cependant sa naissance était inférieure à celle de Luthgarde, et i] habitait une province éloignée de la capitale. Le Père Tsiou réussit à aplanir toutes ces difficultés. De son côté, la pieuse mère de Luthgarde, qui aimait sincèrement sa fille, donna volontiers son consentement à cette union. Mais sa famille, composée de puissants païens, éclata en murmures et s’efforça de la faire revenir sur une décision qu’ils regardaient comme les déshonorant tous.

Avec beaucoup de patience et un peu d’adresse, la pauvre veuve leur démontra les difficultés de sa position, les avantages d’assurer un riche parti à sa fille, et de s’aider par là à tenir son rang plus aisément. Le calme se fit petit à petit, et Luthgarde partit pour la famille de son mari vers 1798.

À son arrivée, elle et son mari firent tous deux le vœu de chasteté, et s’appliquèrent dès lors à vivre avec plus de ferveur. La jeune fille était si douce et si complaisante qu’elle n’eut jamais aucune querelle avec les membres de sa nouvelle famille. Elle était un modèle pour tout le monde, et sa vertu et sa piété faisaient l’admiration des personnes de la maison et du voisinage. Son mari Jean était digne de sa vertueuse compagne, et passait pour l’un des plus fervents chrétiens de la province. Union bien admirable aux yeux des anges et des hommes, mais que la souffrance et la persécution allaient encore sanctifier.

Au printemps de 1801, Jean Niou fut saisi avec son père et quelques autres personnes de sa famille, mais il resta seul emprisonné à la ville de Tsien-tsiou. Il eut beaucoup à souffrir. Élevé dans le luxe, il fut obligé de porter pendant de longs mois ses lourds vêtements d’hiver qui bientôt exhalèrent une odeur infecte