Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/215

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et se remplirent de vermine. Il ne quittait pas la cangue ni le jour, ni la nuit ; mais malgré ce long supplice et d’autres tortures qu’il eut à endurer, il demeura inébranlable jusqu’au bout.

Bientôt la persécution redoublant, ce fut le tour de Luthgarde. Vers le 15 de la neuvième lune, on la jeta en prison avec le reste de sa famille. Elle s’empressa d’écrire à sa mère pour la consoler. Voici la lettre de la pieuse martyre, dont le style si simple et si naïf nous découvre combien son âme avait été docile aux inspirations de la grâce :


« À ma mère.

« Au milieu des émotions causées par les événements qui me sont survenus, je pense à vous, ma mère, et je désire vous faire connaître mes sentiments depuis notre séparation, il y a quatre ans. Je vous adresse quelques lignes. Quoique je sois sur le point de mourir, ne vous en affligez pas trop, et, sans résister à l’ordre miséricordieux de Dieu, veuillez vous soumettre en paix et avec calme à ses desseins. En restant en ce monde, je n’y serais jamais qu’une fille inconstante, une enfant inutile. Mais si, par une grâce signalée, le jour de donner des fruits paraissait, ma mère, d’une part, pourrait se dire qu’elle a vraiment porté une fille dans son sein, et de l’autre tout regret serait par le fait superflu.

« À la veille de vous quitter à jamais, comment pourrai-je comprimer tout sentiment naturel ?… Mais je me dis que le temps est comme l’étincelle qui jaillit du caillou : il n’est pas de longue durée. Je me dis que moi, votre enfant, je vais de ce pas ouvrir à ma mère la porte du ciel et du bonheur éternel, et donner ainsi à l’avance pour elle le prix des éternelles joies. Aussi cette pensée de la mort prochaine, quoique naturellement amère et difficile à supporter, se convertit de suite en douceur et en joie. En dehors de ce souhait de voir l’âme de tous mes parents jouir éternellement de la vue de notre Père commun, quel autre désir pourrais-je éprouver maintenant ?…

« Vous, ma sœur, comment vous trouvez-vous ? Beaucoup de paroles d’affection ne serviraient de rien. Je ne vous adresse que deux mots : Ayez un amour fervent ; rien ne touche tant le cœur