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de Dieu. La réalisation, du reste, de tous nos désirs ne dépend point de nous, mais de lui. Que les esclaves soient bien à leurs devoirs, et par là ils deviendront membres de la famille ; de petits et inutiles enfants qu’ils étaient, ils se rendront vrais et précieux enfants. J’ose mille fois l’espérer.

« Ne vous affligez pas trop, ma mère, et comprimez toute votre inquiétude. Puis quand, après avoir subi l’ordre de Dieu, vous sortirez de ce monde, moi vile et faible enfant, la tête ceinte de la couronne du bonheur sans fin, le cœur inondé de toutes les joies célestes, je vous prendrai par la main et vous introduirai dans l’éternelle justice.

« J’entends dire que mon frère Charles, détenu à la capitale, a courageusement confessé la foi. Vraiment, quelle grâce ! quelle protection ! Comment assez remercier Dieu ! Ma mère, je loue votre bonheur.

« Et vous, ma belle-sœur, ne vous attristez pas trop non plus. Mon frère viendrait-il à mourir, on peut dire que vous avez alors vraiment rencontré un époux. Je vous félicite à l’avance d’être la femme d’un martyr. Dans ce monde, unis par les liens du sang ou du mariage ; dans l’éternité, placés sur un même rang, mère, fils, frères, sœurs, époux, si nous parvenons à jouir du bonheur éternel, ne sera-ce pas bien beau ? Après ma mort, veuillez ne pas rompre les relations avec la famille de mon mari, mais faire comme quand j’y étais.

« Veuillez recevoir ce chiffon de papier avec joie, comme si vous receviez ma personne. Avant d’avoir rien fait, vous envoyer ainsi mes pensées et mon écriture, c’est bien léger de ma part ; mais je désire par là dissiper les inquiétudes à mon sujet. Veuillez y trouver quelques consolations.

« Je vous le répète, repoussez toute espèce de chagrin et de trouble ; pensez que le monde est vain et trompeur. J’aurais mille choses à vous dire, mais je ne puis tout écrire. Je m’arrête ici.

« Année Sin-iou, le 27 de la neuvième lune (3 novembre 1801).

« Votre fille,
« Niou-Hel. »