Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/217

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Quel beau spectacle que celui de cette jeune fille dans son affreuse prison, oubliant les angoisses de la mort qui la menace pour songer à sa mère bien-aimée, et tâcher, par ses bonnes paroles, d’adoucir le chagrin que lui causeront sa mort et celle de son frère ! Qui ne serait touché par ces sentiments d’humilité si naïvement exprimés dans cette lettre !

Comme il est dit dans cette lettre, Charles, le frère aîné de Luthgarde, venait d’être jeté aussi en prison à la capitale. La haute noblesse de sa famille, ses grandes qualités et sa naissance le désignaient à la rage des persécuteurs. Il était devenu, par la mort de son père, chef de toute sa famille en qualité d’aîné, bien qu’il fût encore très jeune. Il était très attaché à sa foi, et, pour éviter de la compromettre, il sut se retirer petit à petit du commerce du monde et se tenir à l’écart pour se faire oublier. Il demanda même à Dieu des maladies qui le rendissent incapable de l’offenser. Dieu parut exaucer sa prière. Quelque temps après, il devint bossu et tellement infirme, qu’on fut obligé plus tard de le porter au tribunal pour y subir l’interrogatoire officiel.

Dans sa prison, il montra beaucoup de fermeté d’abord ; puis il parut faiblir un peu à la vue des terribles supplices que l’on s’apprêtait à faire subir à son corps déjà si chétif. Enfin la foi reprit le dessus et ne l’abandonna plus jusqu’à la mort. Il ne tarda pas à connaître le sort qui l’attendait. Tous les chrétiens alors qui tombaient entre les mains des persécuteurs ne sortaient du prétoire que pour aller au supplice.

Charles Ni écrivit à sa pauvre mère, qu’il laissait presque seule au monde, ces humbles et touchants adieux :


« Moi votre fils, je vous écris aujourd’hui pour la dernière fois. Quoique je sois le plus grand des pécheurs, le Seigneur daigne m’appeler à lui d’une manière toute spéciale. Je devrais être rempli de contrition et d’amour, et je devrais essayer de payer par ma mort quelque peu cette faveur. Mais la masse de mes péchés atteignant jusqu’au ciel, mon cœur, semblable au bois et à la pierre, ne laisse pas encore couler de larmes pour cette grâce insigne… Lorsque j’étais dans le monde, je crains de n’avoir pas