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Un prêtre des Missions étrangères, M. Maubant, se joignit alors à lui. Il était destiné pour le Sutchuen ; mais la mission de Corée le tenta, et son évêque lui permit de suivre ses aspirations. Deux Européens ne pouvant voyager ensemble dans l’intérieur de la Chine, il fut convenu qu’ils suivraient une route différente.

Mgr Bruguière devait incliner vers l’ouest en traversant le Kiang-nan et le Ho-nan, et, une fois entré dans le Chan-si, remonter directement au nord ; M. Maubant prenait la route du côté de l’est, par le Chang-ton et le T’ché-ly. Il était décidé que tous les deux se retrouveraient soit à Sivang, en Tartarie, soit sur les frontières de la Corée. Maubant partit et arriva le premier, après un voyage où il aurait dû être vingt fois arrêté et qu’il fit presque sans incident, agissant sans bruit, avec une imperturbable audace, semblant ne pas même voir d’obstacles, lorsque d’autres auraient crié à l’impossible. Le premier Européen depuis plusieurs siècles, il entra en plein jour à Pékin, sans diplôme impérial.

La stupeur de l’évêque fut telle, qu’il mit M. Maubant au secret pendant deux mois ; il le fit ensuite passer en Tartarie, où il fut fraternellement reçu par M. Mouly, de la congrégation de la Mission.

Mgr Bruguière resta beaucoup plus longtemps en route.

Plusieurs fois il faillit mourir. En bien des circonstances, il fut retardé par la timidité de ses guides.

Dans son journal de voyage, il raconte ce fait qui peint une situation souvent renouvelée et dont les charmes étaient assurément fort médiocres :

« Le 1er septembre 1833, mes courriers et les notables du village vinrent me trouver pour me faire part du résultat de leurs délibérations. Jean portait la parole :

« — Excellence, me dit-il, vous ne pouvez plus avancer ; les dangers sont grands et certains, personne ne se hasardera à vous accompagner ; il faut que Votre Excellence revienne sur ses pas, ou bien il faut qu’elle aille ou au Chang-zi ou au Hon-Kouang, ou à Macao. Les chrétiens de ce village ne veulent plus vous garder. Voilà notre sentiment, quel est le vôtre ? »

Puis il ajouta :