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satellites, et obtint d’eux que le pauvre André, qui voulait le suivre, fût renvoyé dans sa famille. En route, il annonça la parole de Dieu à ses gardes et à une vingtaine d’autres personnes, que la curiosité attira sur son passage.

Il fut de suite dirigé vers la capitale. Arrivé aux portes de Séoul, il fut lié de la corde rouge dont on se sert pour garrotter les criminels d’État, et remis entre les mains du grand juge, qui enferma d’abord dans la prison des voleurs. Les interrogatoires commencèrent immédiatement. On fit subir au captif le supplice de la courbure des os, pour qu’il dénonçât la retraite des autres Européens ; puis on lui demanda :

« Pourquoi êtes-vous venu ici ?

— Pour sauver les âmes.

— Combien avez-vous instruit de personnes ?

— Environ deux cents.

— Reniez Dieu. »

À cette parole l’évêque, frémissant d’horreur, éleva fortement la voix et répondit :

« Non, je ne puis renier mon Dieu. »

Comprenant qu’il n’obtiendrait rien, le juge le fit bâtonner et reconduire en prison.

La ruse avait réussi une première fois, les satellites essayèrent de l’employer une seconde pour se saisir des missionnaires ; leurs projets furent déjoués, et les deux chrétiens auxquels ils s’adressèrent s’échappèrent, l’un après l’autre, sans leur avoir donné le moindre renseignement.

L’héroïsme de l’évêque et des missionnaires allait d’ailleurs les aider mieux que les policiers les plus habiles. Convaincu que la persécution cesserait ou du moins se calmerait par l’arrestation de tous les Européens, Mgr Imbert eut, comme autrefois Mgr de Saint-Martin, dans la mission du Su-tchuen, la sublime inspiration d’ordonner à ses prêtres de se livrer. Il leur écrivit un court billet contenant ces seuls mots :

« Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis ; si vous n’étés pas encore partis en barque, venez avec l’envoyé Son-kie-tsong. »