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jouissions soit troublée de nouveau par la persécution. Le tableau qu’en a tracé Mgr Imbert avant son entrée en prison et qui vous sera envoyé avec ces lettres vous en fera connaître la cause, la suite et les effets.

« Aujourd’hui, 6 septembre, est arrivé un second ordre de Monseigneur de nous présenter au martyre. Nous avons la consolation de partir après avoir célébré une dernière fois le saint sacrifice. Qu’il est consolant de dire avec saint Grégoire : Unum ad palmam iter pro Christo appeto[1]. Si nous avons le bonheur d’obtenir cette belle palme quæ dicitur suavis ad gustum, umbrosa ad requiem, honorabilis ad triumphum[2], rendez-en pour nous mille actions de grâces à la divine Providence, et ne manquez pas d’envoyer au secours de nos pauvres chrétiens qui vont de nouveau se trouver orphelins. Pour encourager nos chers confrères qui seront destinés à nous remplacer, nous avons l’honneur de leur annoncer que le premier ministre Ni, actuellement grand persécuteur, a fait faire trois grands sabres pour couper des têtes.

« Si quelque chose pouvait diminuer la joie que nous éprouvons à ce moment du départ, ce serait de quitter ces fervents néophytes que nous avons eu le bonheur d’administrer pendant trois ans et qui nous aiment comme les Galates aimaient saint Paul. Mais nous allons à une trop grande fête pour qu’il soit permis de laisser entrer dans nos cœurs des sentiments de tristesse. Nous avons l’honneur de recommander nos chers néophytes à votre ardente charité.

« Agréez nos humbles adieux, etc.

« Jacques-Honoré Chastan, Pierre-Philippe Maubant. »


Tout étant ainsi arrangé, les généreux missionnaires se hâtèrent d’aller à la rencontre des satellites, imitant ainsi le noble exemple de leur évêque. Aussitôt chargés de chaînes, ils furent conduits à cheval à Séoul, la capitale. Le grand juge criminel,

  1. Je soupire après la mort pour le Christ, seul chemin de la gloire.
  2. Que l’on dit suave au goût, ombreuse pour le repos, et glorieuse dans la victoire.