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devant de Mgr Imbert. Quelle joie n’eut-il point en recevant la bénédiction de ce prélat, ange visible que Dieu envoyait enfin à cette pauvre Église de Corée ! Paul redoubla d’adresse et de prudence aux passages dangereux. Par une nuit de décembre, l’évêque franchit le fleuve gelé, et, grâce au froid et à la nuit sombre, il arriva, avec les mêmes émotions que ses prédécesseurs, à une pauvre auberge, où il sut tomber malade très adroitement pour éviter les questions importunes. Treize jours après, l’évêque était à la capitale avec ses deux confrères.

Ces voyages continuels avaient usé la santé de Paul Tieng. Sa mission, du reste, était accomplie, et il se fixa à la capitale. Il était habile en expédients, calme dans ses entreprises, où il y allait de sa tête, et extrêmement discret ; pendant vingt ans qu’il exerça les fonctions de courrier des chrétiens, il ne lui arriva jamais aucun accident, et jamais personne parmi ses compagnons de voyage ne soupçonna ses démarches et son titre de chrétien. Mgr Imbert, qui avait admiré son sang-froid et sa prudence, le chargea de prendre soin de sa maison et de diriger les relations des chrétiens avec lui.

Paul Tieng s’acquittait de cette fonction importante à la satisfaction de tous depuis plusieurs années, quand éclata la persécution de 1839, qui devait faire couler en Corée le plus pur sang de ses enfants. À la cour on venait d’apprendre ou plutôt de soupçonner la présence de Mgr Imbert et de ses compagnons. Le traître Ie-saing, jetant le masque, désigna aussitôt les victimes sur lesquelles devait s’abattre la rage des persécuteurs pour mettre à coup sûr la main sur les étrangers.

À quelques jours de distance, Charles T’sio, Paul Tieng et Augustin Niou, avec leurs familles, furent jetés en prison. Par ce choix des victimes, tous comprirent que, cette fois, le gouvernement était bien renseigné. Paul Tieng, le premier, comparut devant les juges.

« Pourquoi, lui demanda le grand juge criminel, ne pratiques-tu pas les usages de ton pays ? Et pourquoi surtout, non content de suivre toi-même la religion d’un royaume étranger, veux-tu encore en infatuer tout le monde ?