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son esprit. Un jour qu’il regardait par hasard des feuilles de papier qui tapissaient le fond d’une boîte, il lut, écrits en chinois, certains mots étranges : « … âme spirituelle…, âme sensitive…, âme végétative… », qui piquèrent sa curiosité. Il se met à décoller avec précaution toutes ces feuilles, et y reconnaît les lambeaux d’un livre chrétien sur l’âme et sur sa fin. Soupçonnant la vérité, il s’adressa sans détour à quelques chrétiens, qui complétèrent sa découverte et le convertirent à la foi. Paul Tieng le pressa alors de l’accompagner à Pékin et de solliciter pour lui-même la place d’interprète d’ambassade. Dès lors il eut dans cet ami un protecteur officiel, et ses démarches étaient davantage à l’abri des soupçons.

Le fervent catéchumène reçut le baptême à Pékin et prit le nom d’Augustin. Il pressa, lui aussi, l’évêque d’envoyer au secours de l’Église de Corée, et il adressa même une longue supplique au Père commun des fidèles.

Peu après, un valet d’ambassade, Charles T’sio, se convertit aussi, et, malgré son obscure origine et son manque d’éducation, il fut d’un grand secours aux deux amis par le zèle et le désintéressement qu’il apporta à les seconder. Pendant plus de vingt ans, Paul Tieng, seul ou avec ses deux amis, recommença ce long voyage de Pékin, et, sans se décourager par ses précédents insuccès, renouvela bien des fois ces tentatives infructueuses. Enfin, en 1836, il eut la joie d’introduire M. Maubant et de le guider lui-même à travers les douanes et les postes de soldats de la frontière. L’année suivante, M. Chastan se confiait de nouveau à sa prudence pour l’aider à entrer en Corée.

« Pourriez-vous, lui dit Paul, porter un petit paquet ?

— Sans doute, reprit gaiement le missionnaire ; que de fois ne l’ai-je pas fait ! »

Quelques instants après, couvert d’habits sales et grossiers, courbé sous un fardeau, M. Chastan suivait à pied, comme un pauvre, ses fidèles courriers. La frontière fut franchie sans encombre, et, grâce à ce stratagème, le missionnaire put bientôt goûter l’hospitalité et le repos dans une maison coréenne.

Cette même année 1837, Paul retourna encore en Chine au-