Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comble de joie au milieu de nos tribulations et nous rend au centuple les consolations dont nous nous sommes privés en quittant, pour son amour et celui de nos frères abandonnés, nos familles et nos amis.

« Quoique nos jours s’écoulent dans la fatigue comme ceux du mercenaire, le salaire qui nous attend à leur déclin en fait des jours de délices. Oh ! qu’ils sont fous les sages du siècle de ne pas chercher la sagesse dans la folie de la croix ! »

Le missionnaire dont parlait Mgr Ferréol était M. Maistre, qui lui aussi avait tenté, mais inutilement, de pénétrer par la Mandchourie dans son vicariat.

Il était arrivé au Léao-tong vers la fin de 1842. Très inquiet sur le sort des chrétiens de Corée, il projetait déjà d’y pénétrer avec André Kim, sous l’habit d’un mendiant ; mais l’évêque de Mandchourie le détourna d’une aventure si périlleuse. Alors il se décida à envoyer André aux informations, après lui avoir recommandé une prudence extrême. Le jeune homme partit donc avec deux courriers ; ils rencontrèrent à deux jours de Pien-men l’ambassade annuelle de Corée à Pékin. C’était un curieux spectacle que celui de cette longue caravane de plus de trois cents personnes, se déroulant comme un immense serpent dans ces solitudes couvertes de neiges.

André, surpris de cette rencontre, se rapproche des Coréens et les regarde défiler sans oser leur adresser la parole. À la fin, cependant, s’armant de courage, il s’avance vers l’un d’eux, regarde son passeport suspendu ostensiblement à sa ceinture et lui demande son nom :

« Je m’appelle Kim, » dit le Coréen, et il continue sa marche.

André le vit s’éloigner avec regret.

« Ce Coréen, se dit-il en lui-même, paraît meilleur que les autres. Si je le laisse partir, de longtemps je n’aurai plus l’occasion d’apprendre des nouvelles de mon pays. »

Et se rapprochant de lui, sans détour, il lui demanda ;

« Es-tu chrétien ?

— Oui, je le suis.