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maîtres de l’Occident. Leur majesté et leur douce gaieté dans le malheur frappaient tout le monde, et beaucoup de païens leur manifestèrent ouvertement leur respect et leur sympathie.

Un soir, un jeune homme employé au tribunal s’approcha de M. Petitnicolas :

« Maître, lui dit-il, les larmes aux yeux, si l’on regarde votre corps, vous êtes bien à plaindre ; mais si l’on considère votre âme, ce que vous faites est bien beau ! »

Ces paroles, inattendues dans la bouche d’un païen, touchèrent le missionnaire d’une vive émotion. Lui saisissant la main, il le remercia affectueusement et lui dit qu’il ne désespérait pas de le revoir un jour.

Devant le mandarin qui avait déjà jugé Mgr Berneux, les confesseurs se conduisirent avec un noble courage.

« Qu’arrivera-t-il, leur demanda le juge, si l’on vous fait mourir ?

— Après notre mort, répondit M. Petitnicolas, la Corée subira de grandes calamités. »

C’était lui surtout qui prenait la parole, à cause de la fatigue de M. Pourthié ; aussi fut-il plus maltraité que son confrère. Leurs tortures à tous deux furent atroces, mais la sentence de mort fut bientôt prononcée et exécutée. Trois jours après leur arrivée à Séoul, ils marchaient au supplice. La tête de M. Pourthié tomba au premier coup de sabre, et celle de M. Petitnicolas au troisième coup. C’était le 11 mars 1866, trois jours après le martyre de leurs confrères.

Ils avaient passé dix ans en Corée. Tous deux étaient entrés le même jour dans le royaume coréen, étaient demeurés cinq ans ensemble, partageant les mêmes travaux, se soignant dans leurs infirmités et s’aimant comme deux frères. Dieu ne voulut point les séparer au jour du triomphe, et tous deux entrèrent aussi ensemble dans la gloire. Gloriosi martyres Dei quomodo in vitā sud dilexerunt se, ita et in morte non sunt separati !

Excités par le sang déjà répandu, encouragés par leurs crimes passés à en commettre de nouveaux, les persécuteurs redoublèrent d’activité pour s’emparer des autres prêtres et massacrer