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à terre comme une masse inanimée. Il leur fallut alors transporter ces deux infortunés jusqu’au billot, et ils leur tranchèrent la tête. Pendant quinze jours on abandonna leurs corps aux animaux carnassiers, qui néanmoins respectèrent ces restes précieux. Alors seulement les chrétiens purent les enterrer convenablement. La famille du mandarin Jean fut exilée à perpétuité, et son vieux père, qui dès le début lui avait prédit tous ses malheurs, fut condamné à mourir de faim avec son petit-fils, âgé seulement de quatorze ans.

Ce même jour encore, MM. Pourthié et Petitnicolas étaient amenés par les satellites à Séoul. M. de Bretenières leur avait écrit la triste nouvelle de l’arrestation de Mgr Berneux. Leur résidence était au fond des montagnes, isolée de tout village et protégée en ce moment par une couche de neige si épaisse, que les sentiers qui y conduisaient étaient invisibles et impraticables aux plus hardis.

Les missionnaires se croyaient donc à l’abri de tout danger imminent ou du moins d’une attaque imprévue. Du reste, M. Pourthié était tellement affaibli par la maladie et par des crachements de sang, qu’il n’avait plus la force de chercher un autre refuge dans un lieu plus caché encore de la montagne. Bien grande fut donc la surprise des deux missionnaires quand, le lendemain du jour où leur était parvenu le billet de M. de Bretenières, ils virent leur retraite soudainement envahie par des satellites.

Ceux-ci, étant à la poursuite du mandarin Jean Nam, avaient appris par hasard, dans une conversation avec d’autres satellites du district, qu’il y avait des prêtres européens dans les environs, et, après avoir pris des renseignements précis, ils s’étaient empressés de fondre sur cette proie inespérée. Ils attachèrent aussitôt les deux missionnaires chacun sur un bœuf et se dirigèrent vers la capitale.

M. Pourthié souffrait beaucoup ; ses gardes allèrent plus lentement, et ce fut le cinquième jour qu’ils arrivèrent à Séoul. Sur ce long parcours, la foule des curieux s’empressait autour du cortège, chacun voulant considérer de plus près les visages des