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terreur par leurs vexations et leurs pillages. Le pieux évêque, se sentant vendu, prit une résolution héroïque pour éviter à ses chers néophytes la tentation d’apostasier et les cruels périls qui les menaçaient. Nouveau Jonas, il songea à s’offrir de lui-même aux bandes qui infestaient le pays afin d’apaiser la tempête.

Il fut bientôt rejoint par MM. Aumaître et Huin, qui, eux aussi, commençaient à trouver intenable leur situation. Tous trois ils délibérèrent devant Dieu sur ce qui était le plus convenable pour échapper à leurs persécuteurs, et tous trois ils virent l’impossibilité de gagner une retraite plus sûre. S’en remettant à la Providence, ils se séparèrent donc et se retirèrent chacun dans un village voisin, mais sans espoir de rester longtemps cachés. Grâce, en effet, à la tranquillité générale et aux bons rapports des chrétiens avec les païens, la présence des missionnaires était partout connue. À chaque instant donc ils pouvaient être dénoncés par ceux qui voudraient se débarrasser des vexations des satellites. Ceux-ci parurent bientôt dans ces villages, la menace à la bouche et pleins d’ardeur à gagner la récompense offerte à leur zèle pour l’arrestation des Européens.

Mgr Daveluy, voyant sa situation désespérée, fit le projet de s’enfuir par mer, coûte que coûte, avec M. Aumaître, qui était venu le rejoindre de nouveau. Ils montèrent en barque et s’efforcèrent en vain de gagner le large. Le vent soufflait de la haute mer et, les retenant cloués à la côte, les exposait à chaque instant à de dangereuses visites. Force leur fut donc de renoncer à ce projet et de regagner leurs premières cachettes.

Mais les satellites se rapprochaient de plus en plus, encouragés par certains indices qu’ils découvraient de temps en temps, de mettre la main bientôt sur leur proie. On était déjà au 11 mars ; le péril allait toujours croissant, et Mgr Daveluy songeait à se livrer, lorsque, cédant encore aux vives instances de quelques chrétiens dévoués, il consentit à se blottir sous un tas de bois sec, ayant à côté de lui le panier qui renfermait ses ornements sacrés. Un instant après, la maison est envahie par les satellites. L’un d’eux donne par hasard un coup de pied dans le tas de bois et met à découvert le panier. Cet objet suspect attire son attention, et,