Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La sentence de mort fut portée, et, sans une indisposition du jeune roi, elle aurait été exécutée immédiatement. Les sorciers ayant déclaré que la mort des missionnaires pourrait amoindrir l’effet des sortilèges et des superstitions qu’ils faisaient pour la santé du roi, on s’abstint de verser du sang aux environs de la capitale, et l’on fit partir les prisonniers à vingt-cinq lieues au sud de Séoul.

Les martyrs avaient été rejoints par Joseph Tieng, le maître de maison de M. Pourthié. Leurs jambes, affreusement battues, avaient été grossièrement enveloppées de papier huilé, mais ne pouvaient les soutenir, et, pour une si longue marche, on les fit monter à cheval. Ils eurent tout le temps de se préparer à la mort, et ce voyage fut employé en saintes méditations, en conversations pieuses, en cantiques d’actions de grâces. Comme les apôtres autrefois, eux aussi s’estimaient heureux d’avoir quelque chose à endurer pour le nom de Jésus, et leur tranquillité en allant à la mort était un sujet de perpétuel étonnement pour tous ceux que la curiosité attirait auprès des prisonniers.

Le soir du jeudi saint, les satellites faisaient entre eux le projet de se détourner de leur chemin et d’aller à la ville voisine montrer les Européens pour de l’argent. Mgr Daveluy les entendit et les reprit vivement de leur honteux calcul.

« Non, non, dit-il, il ne doit pas en être ainsi ; c’est demain que nous devons mourir. Conduisez-nous donc droit au lieu de l’exécution. »

Les soldats de l’escorte se regardèrent tout confus, et abandonnèrent leur projet. Ils donnèrent ainsi, sans le savoir, satisfaction au pieux désir des martyrs de verser leur sang au jour même et à heure où le Sauveur daigna mourir pour nous.

Le lendemain donc, jour du vendredi saint, on conduisit les cinq confesseurs au bord de la mer, sur la plage. Le mandarin chargé de l’exécution ordonna à ses soldats de prendre leurs vieux fusils et de se tenir prêts à tirer sur les martyrs en cas de besoin. La foule était immense, et deux cents soldats armés de longues piques avaient peine à la contenir. Avant de faire commencer l’exécution, l’orgueilleux mandarin voulut les humilier et leur