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familles aristocratiques, profitant de plusieurs régences successives et du passage sur le trône de deux ou trois souverains insignifiants, ont absorbé presque toute l’autorité.

Ce que l’on appelle en Corée palais royaux sont de misérables maisons qu’un rentier parisien un peu à son aise ne voudrait pas habiter. Ces palais sont remplis de femmes et d’eunuques. Outre les reines et les concubines royales, il y a un grand nombre de servantes que l’on appelle filles du palais. On les ramasse de force dans tout le pays, et une fois accaparées pour le service de la cour, elles doivent, sauf le cas de maladie grave ou inguérissable, y demeurer toute leur vie. Elles ne peuvent pas se marier, à moins que le roi ne les prenne pour concubines ; elles sont condamnées à une continence perpétuelle, et si l’on prouve qu’elles y ont manqué, leur faute est punie par l’exil, quelquefois même par la mort.

Les eunuques du palais forment un corps à part ; ils subissent des examens spéciaux, et, d’après leur science ou leur adresse, avancent plus ou moins dans les dignités qui leur sont propres. On prétend qu’ils sont généralement d’un esprit étroit, d’un caractère violent et irascible. Fiers de leurs rapports familiers et quotidiens avec le souverain, ils s’attaquent à tous les dignitaires avec une insolence sans égale, et ne craignent pas d’injurier même le premier ministre, ce que nul autre ne ferait impunément. Ils n’ont guère de relations qu’entre eux ; car tous, nobles et gens du peuple, les craignent autant qu’ils les méprisent.

Outre les palais habités par le roi, il y en a d’autres destinés exclusivement aux tablettes de ses ancêtres. On y fait exactement le même service que dans les premiers ; chaque jour on salue ces morts comme s’ils étaient vivants, on offre de la nourriture devant les tablettes dans lesquelles leurs âmes sont supposées résider, et il y a pour leur service des eunuques et des filles du palais en grand nombre, le tout organisé sur le même pied et d’après les mêmes règles que dans les palais ordinaires.

En Corée, où la religion ne consiste guère que dans le culte des ancêtres, tout ce qui concerne les funérailles des rois est d’une importance extraordinaire, et la cérémonie de leur enter-