Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/47

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y avait aussi des cuirasses et des casques en toile de coton de quarante épaisseurs, impénétrables aux sabres ou baïonnettes, et qu’une balle conique seule peut percer. Mais les arsenaux de province n’ont ni effets d’habillement, ni munitions, ni une arme en bon état. Tout a été vendu par les employés des préfectures, qui ont mis à la place quelques haillons et de vieilles ferrailles inutiles. Si par hasard un mandarin honnête essaye quelques efforts pour remédier à ces dilapidations, tous les employés s’unissent contre lui, son action est paralysée, et il est obligé de fermer les yeux et de laisser faire, ou bien d’abandonner son poste, heureux encore quand il n’est pas sacrifié aux attaques calomnieuses qui le représentent à la cour comme un révolutionnaire et un ennemi de la dynastie.

L’hiver dernier (1860-61), le ministre Kim Piong-ku-i, homme violent et assez hostile à notre sainte religion, a perdu la principale autorité, qui a passé à son cousin Kim Piong-kouk-i. Ce dernier est parvenu au pouvoir par un crime d’État qui l’a rendu très impopulaire, et qui tôt ou tard peut lui coûter cher.

Quoique beau-frère du roi, il n’avait pas assez d’argent pour acheter le poste de premier ministre, car ici cette dignité se vend, comme tous les autres mandarinats. La seule différence est que les lettrés achètent les mandarinats ordinaires au ministre en faveur, tandis que celui-ci achète sa place aux eunuques. Notre petite Majesté coréenne est, comme vous savez, dans le même état qu’étaient jadis nos rois fainéants. Le ministre en faveur est le maire du palais de la Corée ; mais il doit à son tour compter avec d’autres maires du palais, en ce sens qu’il ne peut s’élever à cette dignité, ni la conserver, que par la faveur des eunuques de la cour. Ces derniers, hommes méprisés et méprisables, généralement petits de taille, rachitiques, et d’une intelligence très bornée, séjournent seuls, avec les nombreuses concubines royales et les servantes du palais, dans l’intérieur de la résidence royale. Les ministres et mandarins, qui ont à parler au roi, entrent dans une salle d’audience donnant sur une cour extérieure ; les soldats et les autres gardes du palais sont consignés extérieurement. Les eunuques seuls servent de près le roi, ou