Page:Laurenceau - Le Petit neveu de l'Arretin, ouvrage posthume trouvé dans le portefeuille de son grand oncle, BnF Enfer-373, 1800.djvu/45

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Il l’aborde, et d’un ton qui porte la menace :

« Vil greluchon, dit-il, est-ce donc là ta place ?
Oubliant son ménage et ses propres foyers,
Ta pine occupe ici d’inutiles loyers.
Songe à vuider les lieux : par la céleste voie,
Pour hâter ton départ, Jupin exprès m’envoie.
Quel espoir près d’un con enchaînant tes loisirs,
Fait à ton vit roquet japper de vains soupirs ?
Si de ton sort futur la mémoire assoupie
Ne peut se réveiller dans ton ame avilie ;
Si de l’honneur enfin l’aiguillon ne peut plus
De ton cœur racorni percer le dur calus,
Regarde Jule au moins que ta chaude manie
Prive de légitime et des champs d’Ausonie :
Sur un nombril stérile à toute heure étendu,
Tu places malheureux ton bien à fonds perdu. »

Ainsi parle Mercure ; aux yeux du troyen blême
Le dieu filou soudain se dérobe lui-même,
Il disparaît : Énée interdit, sans couleur,
Dans son cœur éperdu cherche envain sa valeur,
Il s’émeut, il chancelle, il pâlit, il s’étonne,
Le frisson le saisit, la force l’abandonne.