Page:Laurenceau - Le Petit neveu de l'Arretin, ouvrage posthume trouvé dans le portefeuille de son grand oncle, BnF Enfer-373, 1800.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 43 )

Ses cheveux sur son chef se hérisse d’horreur,
Et dans son gosier sec sa voix hésite et meurt.

Il brûle de partir, de quitter cette rive,
Cette rive si chère à sa pine captive ;
Les faveurs de la reine, il y va renoncer.
Mais que faire ? que dire ? Et comment annoncer
À cet objet si doux un projet si barbare ?
Seront-ils après tout, ces adieux qu’il prépare,
Entendus de sang-froid d’une maîtresse en rut ?
Femme qu’amour conseille est un animal brut,
Et sourde à la raison quand son amant l’aborde,
N’entend que les discours dont bander est l’exorde.

À son esprit enfin en tous sens balancé,
Le moins noble parti paraît le plus sensé ;
Il appelle Sergeste, et Cloanthe, et Mnesthée :
« Que la flotte en secret, dit-il, soit rajustée,
Demain que tout soit prêt pour un départ furtif.
Moi j’irai de Didon calmer l’esprit craintif,
Endormir ses soupçons, dissiper ses alarmes,
Du feu de mes baisers tarir l’eau de ses larmes,