Page:Laurenceau - Le Petit neveu de l'Arretin, ouvrage posthume trouvé dans le portefeuille de son grand oncle, BnF Enfer-373, 1800.djvu/78

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J’ai vécu ; j’ai rempli ma tâche, et de mes jours
Le torrent orageux est au bout de son cours ;
Mais mon ombre du moins aux enfers reléguée
Du reste des putains marchera distinguée ;
Mon nom peut espérer quelque célébrité ;
J’ai bâti les ramparts d’une illustre cité ;
J’ai vengé mon mari ; j’ai, d’une main hardie,
D’un frère ambitieux puni la perfidie ;
Heureuse mille fois si, par l’amour guidé
Jamais troyen bandant n’eût ma cote abordé,
Si de mon faible con l’ouverture évâsée
N’eût offert à son vit une conquête aisée. »

Elle dit et soupire, et pressant ces coussins
Confidens autrefois de plus tendres desseins :
« Sur ce lit qui m’a vu courir une autre chance,
Faut-il mourir, dit-elle, et mourir sans vengeance ?
Mais mourons, c’est assez ; brisons d’indignes fers,
C’est ainsi que Didon veut descendre aux enfers ;
Mourons ; que le perfide auteur de mon supplice,
Reconnaisse les feux qu’alluma son caprice,