Page:Laurent - La Poésie décadente devant la science psychiatrique, 1897.djvu/20

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Le subtil examen de nos cœurs aux abois,
D’étranges vers, heurtés, aux allures de prose.
Or, le poète s’est armé du froid scalpel ;
À l’art du disséqueur sombre il a fait appel ;
Puis, sur le marbre, il a couché son âme nue.
Et maintenant, aux yeux affolés des passants,
Qu’exaspère l’ardeur d’une soif inconnue,
L’âme crie et se tord dans ses doigts frémissants.

Assurément, c’est quelque chose comme cela. Mais l’âme que le poète dissèque et étale nue aux yeux des passants, c’est sa pauvre âme à lui, sa pauvre âme malade. Et la foule avide regarde ce spectacle malsain, comme on regarde avec curiosité une monstruosité ou une anomalie, une Rosa-Josepha, par exemple.

Ces sortes de poésies sont en effet de véritables déviations de l’âme humaine. C’est, du reste, la définition que Morel donne de la dégénérescence.

Maintenant, comment l’état de déséquilibration du poète se réflète-t-il dans ses vers ?

De différentes manières que je vais essayer d’examiner.

Il va sans dire que je le ferai avec tous les ménagements possibles pour ne pas blesser des susceptibilités peut-être trop promptes à s’éveiller. Les esprits qui souffrent et se débattent dans les tortures d’une impuissance dont ils ne peuvent sortir, sont d’une sensibilité excessive. Chez eux, les émotions retentissent avec une sonorité exagérée, douloureuse même.