Page:Laurent Tailhade - La Noire Idole - Leon Vanier editeur - 1907.djvu/31

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autre le spectre d’une femme assassinée dans un placard à l’usage de porte-manteau. Le

    Cette bizarre croyance à la réincarnation des morts par la vertu du sang n’appartient pas à Guaita plus qu’à Porphyre. C’est une des vieilles superstitions en honneur chez les races indo-européennes (Cf. Aulu-Gelle, Nuits attiques, lib ix, cap iv et, sur le vampirisme des population grecques, moldo-valaques, illyriennes, etc. Mérimée, La Guzla.)

    Le plus illustre vestige en est conservé dans le chant onzième de l’Odyssée : « Alors je tirai mon épée aiguë de sa gaine, le long de ma cuisse, et je creusai une fosse d’une coudée dans tous les sens… ; puis, ayant prié les générations des morts, j’égorgeai les victimes sur la fosse, et le sang noir y coulait. Et les âmes des morts qui ne sont plus sortaient en foule de l’Erébos… Et je m’assis, tenant l’épée aiguë, tirée de sa gaine, le long de ma cuisse ; et je ne permettais pas aux têtes vaines des morts de boire le sang avant que j’eusse entendu Teirésias… Arriva l’âme de ma mère morte, d’Antikléia fille du magnanime Autolykos, que j’avais laissée vivante en parlant pour la sainte Ilios. Et je pleurais en la voyant, le cœur plein de pitié ; mais, malgré ma tristesse, je ne lui permis pas de boire le sang avant que j’eusse entendu Teirésias. »

    Quand Teirésias a rendu son oracle, Ulysse accorde aux morts de s’abreuver dans le sang des victimes et, par là même, de reprendre un instant le cours de leur vie interrompue :

    « … Je restai sans bouger jusqu’à ce que ma mère fût venue et eût bu le sang noir. Et aussitôt elle me reconnut ; elle me dit, en gémissant, des paroles ailées. »

    (Odyssée, Rhapsodie xi ; traduction Leconte de Lisle.)