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Page:Lauris - Benjamin Constant et les Idées libérales, 1904.djvu/11

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La liberté ne descend pas en un jour des discours de la tribune dans les mœurs des citoyens, dans les détails de leur vie privée. Cependant, la souveraineté du peuple proclamée reste illusoire si ce peuple ne se compose pas d’hommes libres. Le despotisme d’une faction succédera simplement au despotisme d’un homme. Pour le succès des institutions nouvelles, il ne faut donc pas compter trop tôt sur les résultats de l’éducation libérale entreprise.

L’œuvre première doit être de définir clairement les droits individuels, conditions de la personnalité humaine, de les garantir d’une façon efficace, d’y intéresser de plus en plus gouvernants et gouvernés.

Au lendemain de la Révolution, la défense de la liberté exigeait une raison froide alliée à des sentiments généreux, une connaissance exacte des hommes, de leurs intentions cachées, une défiance prudente envers leurs promesses et leurs serments, enfin une indépendance d’esprit telle que toute atteinte de l’arbitraire fût une souffrance. Quelques-uns des défauts d’une personnalité très jalouse de ses droits, par là même inquiète parfois et sceptique, pouvaient concourir à l’expression mieux définie de la liberté. La politique comportait à ce moment jusqu’à une certaine somme d’ironie, la