Page:Lauris - Benjamin Constant et les Idées libérales, 1904.djvu/10

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tout ce qui survit aux institutions de l’esprit même de ces institutions. Les minutes leur sont trop précieuses, parce qu’ils ne sont pas assurés de la constance des énergies qui les soutiennent. Aussi négligent-ils l’examen attentif de tous les intérêts, de toutes les libertés qu’il conviendrait de sauvegarder. Ils écartent à la fois les obstacles apparents et les obstacles réels à leur œuvre. Leur existence même, en ces temps, dépend de leur succès. Il leur faut maintenir autour d’eux des passions violentes, des haines, des dévouements peu conciliables avec une tolérance libérale. Les révolutions se font par les sentiments ; le seul mode libéral de transformation des sociétés est l’évolution pacifique dirigée par les idées. Nous ne devons donc pas attendre d’une révolution l’organisation de la liberté. La liberté est, à ce moment, le but, mais elle n’existe pas à l’état de notion précise et scientifique. « Il n’en est pas de la liberté comme d’une bataille. Une bataille, étant l’affaire d’un jour, peut être gagnée par le talent d’un général ; mais la liberté, pour exister, doit avoir sa base dans la nation même et non dans les vertus ou dans le caractère d’un chef[1] », écrivait Benjamin Constant.

  1. B. Constant, Lettre sur Julie, éditée à la suite d’Adolphe.