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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/186

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L’ÉCRIN DU RUBIS

à braver la décence et déployèrent en public leurs silhouettes parlantes. Les expositions de blanc ouvrirent à l’imagination les paradis de Mahomet.

Quelle douceur sensuelle à plonger ses mains dans cet amoncellement de lingerie de batiste, de linon, de soie, de pongé, de satin ou de jersey milanais, aux coupes si multiformes, évocatrices fidèles et polissonnes des parties charnelles qu’elles enserreront de leurs trames ténues, qu’elles glaceront de leurs tendres coloris, où moussera l’or ou l’ébène à l’échancrure de l’aisselle et à la couture de l’entre-jambes !

À les voir sur les comptoirs des grands Magasins, dans le furieux pêle-mêle où les mettent les mille désirs de la rue qui passent, s’arrêtent et se lovent dans la blancheur ou la bigarrure diaprée de ces chemises, de ces culottes et de ces combinaisons, où des doigts frôleurs qui, suivant l’expression de Colette, « portent des traces de fatigue à leurs ongles cernés », se délectent à se glisser dans ce désordre impudique, s’agacent du grattement léger des dentelles et des broderies, frémissent au velouté des rubans mignons, se crispent sur les fourreaux bâillants ; à voir tous ces voiles menus qui parlent de tendresse rayonnante et d’intime bonheur, à les imaginer gonflés et vivants des splendeurs de neige et de rose dont ils seront les nids douillets où celles-ci se blottiront en des caresses indiciblement câlines, ainsi chavirés, emmêlés, confondus, retroussés et chiffonnés, on croirait à la